Vous savez, celui qui fait boîte ? Bon je partais avec un désavantage : une tenue non-appropriée. Je croyais aller au restaurant, puis rentrer chez moi. Finalement, on est allées au restaurant - buffet à volonté chinois, un délice - puis à l'El Patio. En plus d'un petit bidon d'après repas (quand j'y repense, j'y suis peut-être allée un peu fort en me gavant de six boules de coco au dessert), je portais un pull noir en laine sur un jean foncé et des cuissardes plates. La bonne tenue pour se fondre dans la masse, du genre " ne me remarquez surtout pas, je suis une ombre parmi les autres, je n'existe pas. "
Ok, je pinaille un peu ! Mais le pull noir en laine m'a porté tellement chaud que j'ai failli faire une syncope et moi, sans mes talons, je me sens nue. J'ai l'impression d'être clouée au sol et de marcher comme un mec ! Surtout qu'il faut rivaliser avec celles qui portent le beau décolleté couleur rose péteux, le pantalon taille basse qui laisse voir le tatouage et les escarpins en strass. Je n'avais même pas un bijou pour attirer l'oeil : zéro collier, zéro bracelet et - incroyable mais vrai ! - des boucles d'oreilles en bois qui se confondent dans ma tignasse. Bref. La meuf qui fait tapisserie. Qu'importe, je me suis dit, si on doit flasher sur moi, ce sera sur ce que je dégage, pas sur mon jean banal qui ne me met même pas les fesses en valeur (espoir, quand tu nous tiens).
Sauf que j'avais oublié un très léger détail... Ah mais oui ! Haha ! Tout petit détail, certes, mais qui a quand même son importance : en boîte, on ne m'approche pas. Mais alors, jamais ! Peu importe mes vêtements, peu importe ma coiffure, il est très rare que je me fasse aborder... C'est-à-dire que vraiment, je dois être laide à faire peur. Ça, ou bien j'ai un troisième oeil au milieu du front !
En même temps, je me plains mais ça m'arrange, qu'on me laisse tranquille : je déteste la drague en boîte. Certains mecs sont tellement à l'affût qu'ils en paraissent affamés. Ils te regardent de haut en bas pour évaluer la marchandise et s'ils ont aimé le matos, tentent de s'approcher par derrière pour se frotter contre toi. Que je t'explique un truc, mon coco : mes danses façon Nicky Minaj rencontre Beyoncé, ce n'est pas à toi que je vais les montrer. Donc tu ne me touches pas et tu passes ton chemin ! Le regard noir, je me décale et tourne la tête de l'autre côté pour bien faire comprendre que là, c'est mort. Forcément, je passe pour une grosse coincée... D'ailleurs, avec mon air aimable, il y en a toujours un qui se rapproche en disant : " Eh mais souris, c'est la fête ! " Je choisis donc ce moment précis pour faire passer un message à toutes les personnes de sexe masculin qui lisent ceci : ce n'est pas comme ça qu'on drague. C'est lourd et au pire, ça aura l'effet inverse. On vous répondra en grimaçant que " mais si, on sourit " et intérieurement, on vous traitera de con. " Souris, c'est la fête. " Quoi, je dois sourire dans le vide ? Je veux bien le faire quand je croise le regard de quelqu'un ou quand je vois quelque chose d'amusant, à la rigueur... Mais quand je suis en train d'attendre mon verre de Passoã, non : sourire ne me parait pas vital.
Parce que oui, je reviens très vite au bar, moi. J'adore danser, hein ! Je m'éclate comme une folle en remuant les hanches et en faisant des petits effets d'épaules - sans oublier le playback si je connais les paroles - mais à la moindre chanson de travers, je quitte la piste. Ah non, je ne l'aime pas celle-là ! Surtout qu'il faut être honnête : les vrais beaux mecs se trouvent près du bar. Je trouve ça bizarre, d'ailleurs. On aurait tendance à penser que c'est plus facile de draguer en dansant et qu'ils sont donc tous agglutinés devant le DJ, en train de faire des bonds sur la dernière chanson de Pitbull. Mais non ! Les plus classes sont en fait les piliers de comptoir : ils vous regardent danser et attendent le moment où, assoiffée par vos déhanchements shakiriens, vous venez vous désaltérer. Et c'est lorsqu'ils ouvrent la bouche que l'adage " t'es mignon mais t'es un tout petit peu con " prend tout son sens...
Attention, top 5 des pires entrées en matières : le " Woaaaw " prononcé avec un petit hochement de tête et un plissement des yeux qui se veut sexy. Euh... Tu viens d'utiliser tout ton vocabulaire, là ? Le " C'est pas bien de boire ! Héhé " en montrant son verre de vodka-coke. Une sorte de " je ne savais pas quoi te dire alors je te fais la morale en plaisantant "... Sympa. " Hey, salut ! Comment ça va ? ", genre on est potes et ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vus. Pitié. Presque pareil que le " On s'connaît, nan ? ", auquel on n'a même pas envie de répondre. Et le pire, le seul, l'ultime : " je t'ai vue toute à l'heure, t'es bien charmante ". Ouais. Je t'ai vu toute à l'heure aussi, t'es bien charmant mais ça ne va pas le faire.
Je sais que ce n'est pas évident d'établir un premier contact et qu'on leur laisse rarement la chance d'aller plus loin que " salut " et qu'être un homme dans notre société, c'est un peu comme... Bla-bla-bla... Hic ! personnellement, je l'avoue, je n'en ai plus rien à faire. Parce que ça y est, c'est définitif et irrévocable : je suis bourrée ! Ce qui règle tous mes problèmes, puisque j'ai désormais le sens de la drague d'une gamine de sept ans. C'est-à-dire que je rigole... et puis j'oublie ! Je retourne sur le dancefloor et tant que je danse, tout va bien. Je lève les bras en l'air, je suis en rythme avec la musique, je souris (truc de diiiiiiingue) et les sirènes du port d'Alexandrie font même naufrager les papillons de ma jeunesse. Mais alors si je m'arrête, horreur et décadence ! Je tangue, je perds l'équilibre, je chope le hoquet et je fronce les sourcils parce que je me dis tiens, mon estomac me parle. Mais que dit-il ? Que c'est l'heure de rentrer ! Et seule !